For those who read French or use google to translate, here is an interesting article written by well-informed journalist Romaric Godin in the French newspaper
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21/02/201
Obsédé par son objectif de faire entrer le FMI dans le plan de soutien à
Athènes, les créanciers européens ont encore une fois demandé des
mesures dures à Athènes.
Dans son roman, Grandeur et Décadence de César Birotteau,
Balzac trace le portrait du « petit père Molineux », un propriétaire
dont le loisir préféré consiste à tourmenter ses locataires et
créanciers. Lorsqu'il le rencontre au bal du parfumeur qui signera sa
chute, l'ennemi de Birotteau, le banquier Le Tillet, se fait à lui-même
cette réflexion : « Si le père Birotteau fait faillite
(...), ce petit drôle sera certes un excellent syndic. (...)
Il doit, comme Domitien, s'amuser à tuer les mouches quand il est seul chez lui. »
Or, à mesure que la crise grecque s'éternise, l'Eurogroupe, la réunion
des ministres des Finances des Etats de la zone euro, ressemble de plus à
ce « petit père Molineux ». Il semble prendre plaisir à torturer « sa »
mouche, la malheureuse Grèce.
Concessions de l'Eurogroupe
Certes,
dans sa réunion du lundi 20 février, l'Eurogroupe a prétendu « lâcher
du lest » au gouvernement grec : il a accepté de renvoyer ses
inspecteurs à Athènes, ouvrant ainsi la possibilité à terme d'une
conclusion de la seconde revue du programme qui, elle-même, ouvre la
porte au versement des fonds nécessaires aux remboursements des
échéances de juillet prochain qui sont d'environ 7 milliards d'euros,
principalement auprès de la BCE. Bref, l'Eurogroupe fait la fleur à la
Grèce de ne pas fermer la porte à une faillite dont ils seront,
eux-mêmes, les principales victimes.
Plus intéressant, sans
doute, est la concession faite à Athènes d'accorder des mesures de
croissance, en cas de dépassement des objectifs, comme le gouvernement
grec l'a fait en fin d'année 2016 avec la prime accordée aux retraités.
Mais, en réalité, l'Eurogroupe semble se comporter avec la Grèce comme
le cruel empereur Romain Domitien, cité par Du Tillet, avec ses
victimes. « La veille du jour où il fit crucifier son trésorier, il
le convoqua dans sa chambre (...), le laissa partir joyeux et rassuré et
lui fit même l'honneur de partager son dîner », raconte l'historien Suétone qui résume : « Sa barbarie était non seulement immense, mais encore astucieuse et imprévue. » Ainsi en est-il de l'Eurogroupe qui va faire payer très cher ses bontés.
De nouvelles mesures exigées...
Le
gouvernement grec s'est en effet engagé à réaliser une nouvelle réforme
des retraites, effaçant ainsi celle qu'il avait lui-même établi l'an
dernier et qu'il avait fait accepter aux créanciers au prix d'immenses
concessions (notamment des baisses de dépenses automatiques en 2018 en
cas de déviation de l'objectif d'excédent primaire de 3,5 % du PIB). Il
devra aussi accepter une réforme du marché du travail et une nouvelle
réforme fiscale, quelques mois à peine après avoir relevé la TVA d'un
point et durci l'impôt sur le revenu. En tout, a indiqué sans badiner,
le commissaire européen aux Affaires européennes Pierre Moscovici, la
Grèce va devoir encore réaliser des « efforts » de 2 % du PIB.
La logique perdante se poursuit
Très
clairement, donc, les créanciers entendent poursuivre la politique
menée depuis 2010 en continuant à l'aggraver. Désormais, le troisième
mémorandum signé en août 2015, ressemble de plus en plus à une boîte de
Pandore d'où surgissent chaque année de nouvelles mesures d'austérité.
Et il ne faut pas compter sur les effets « compensatoires » des mesures
de « croissance » : ces dernières seront forcément limitées par la marge
de manœuvre budgétaire (qui n'est pas certaine d'être chaque année
aussi vaste que celle de l'an dernier) et, surtout, de la bonne volonté
des créanciers. Il ne s'agira que de « propositions » helléniques qui
devront être validées et acceptées par les créanciers. Pas question donc
de refaire l'opération de la fin de l'année dernière avec la prime sur
les retraites qui avait été une décision unilatérale.
Or, selon Le Monde qui cite des sources européennes, « pas
question pour les Grecs d'avancer leurs propres réformes tant qu'ils
n'auront pas donné toutes les assurances aux créanciers que l'excédent
primaire sera d'au moins 3,5 % en 2018 et 2019 ». Et, depuis 2010,
tout est dans cette question de « confiance » utilisée par l'Eurogroupe
pour obtenir davantage d'Athènes. Autrement dit, Athènes devra attendre
pour relancer l'activité, pas pour faire l'austérité. C'est dire si l'on
peut douter des déclarations de Michel Sapin selon lesquelles la Grèce
est sortie de la logique austéritaire.
Séduire le FMI
C'est
qu'en réalité, dans l'esprit des créanciers, la Grèce ne compte pas.
Ces mesures ne visent pas à restaurer la compétitivité de l'économie
hellénique, pas davantage à rétablir la force de son Etat que l'on dit
défaillant, moins encore à rendre soutenable sa dette. Le seul et unique
but de ces mesures consiste à résoudre l'impossible équation dans
laquelle se sont enfermés les créanciers de la Grèce : parvenir à faire
entrer le FMI dans un programme que ce dernier sait intenable tout en ne
cédant pas sur la nécessité reconnue par le FMI de réduire le stock de
dettes grecques. En exigeant de nouvelles mesures d'économie, les
créanciers tentent de faire entrer au chausse-pied la soutenabilité de
la dette grecque dans les calculs du FMI. La preuve en est que, d'après
le gouvernement grec, l'Allemagne réclame « 10 ans »
d'excédents primaires élevés. Une mesure qui ne servirait qu'un
objectif : accumuler les réserves pour rembourser la dette. C'est donc
une fiction de plus permettant notamment aux Allemands de maintenir
cette exigence qui avait présidé à la naissance de ce troisième plan :
la participation, théoriquement impossible, du FMI.
Un FMI divisé
Le
Fonds de Washington n'a pas encore donné de réponse. Christine Lagarde
rencontrera le 22 février Angela Merkel. Sa position est très délicate.
D'un côté, les Européens pèsent lourd mais exige une nouvelle fois que
le FMI oublie ses règles élémentaires de conduite, comme en 2010. Les
membres émergents du Fonds pourraient hésiter à se lancer dans une
nouvelle et coûteuse erreur. D'autant que le principal contributeur au
Fonds, les Etats-Unis, semblent désormais, peu soucieux de tenir compte
des intérêts allemands. La directrice générale du FMI va donc devoir se
montrer très convaincante pour faire avaler à la direction du FMI cette
nouvelle aventure grecque...
Des Grecs sans marge de manœuvre
Côté
grec, la victoire est donc particulièrement amère, même si le
gouvernement affirme avoir tenu ses « lignes rouges ». Il jure aussi
que, pour tout euro de mesures additionnelles, il y aura un euro de « mesures compensatoires »
sous forme de baisse d'impôts sur la propriété foncière, sur les
sociétés ou sur la valeur ajoutée. Une ligne de défense peu crédible en
Grèce compte tenu des capitulations répétées du gouvernement Tsipras,
mais aussi des conditions posées par les créanciers. Comment ces
derniers accepteraient-ils des baisses d'impôts alors qu'ils exigent des
hausses pour séduire le FMI ? Bref, tout ceci semble peu sérieux. Comme
la mouche de Domitien, la Grèce semble encore condamnée à une torture
sans fin où son intérêt n'est qu'un élément accessoire pour ceux qui
décident de son sort.
Dans son roman,
Grandeur et Décadence de César Birotteau,
Balzac trace le portrait du « petit père Molineux », un propriétaire
dont le loisir préféré consiste à tourmenter ses locataires et
créanciers. Lorsqu'il le rencontre au bal du parfumeur qui signera sa
chute, l'ennemi de Birotteau, le banquier Le Tillet, se fait à lui-même
cette réflexion : «
Si le père Birotteau fait faillite
(...), ce petit drôle sera certes un excellent syndic. (...)
Il doit, comme Domitien, s'amuser à tuer les mouches quand il est seul chez lui. »
Or, à mesure que la crise grecque s'éternise, l'Eurogroupe, la réunion
des ministres des Finances des Etats de la zone euro, ressemble de plus à
ce « petit père Molineux ». Il semble prendre plaisir à torturer « sa »
mouche, la malheureuse Grèce.
Concessions de l'Eurogroupe
Certes,
dans sa réunion du lundi 20 février, l'Eurogroupe a prétendu « lâcher
du lest » au gouvernement grec : il a accepté de renvoyer ses
inspecteurs à Athènes, ouvrant ainsi la possibilité à terme d'une
conclusion de la seconde revue du programme qui, elle-même, ouvre la
porte au versement des fonds nécessaires aux remboursements des
échéances de juillet prochain qui sont d'environ 7 milliards d'euros,
principalement auprès de la BCE. Bref, l'Eurogroupe fait la fleur à la
Grèce de ne pas fermer la porte à une faillite dont ils seront,
eux-mêmes, les principales victimes.
Plus intéressant, sans
doute, est la concession faite à Athènes d'accorder des mesures de
croissance, en cas de dépassement des objectifs, comme le gouvernement
grec l'a fait en fin d'année 2016 avec la prime accordée aux retraités.
Mais, en réalité, l'Eurogroupe semble se comporter avec la Grèce comme
le cruel empereur Romain Domitien, cité par Du Tillet, avec ses
victimes. «
La veille du jour où il fit crucifier son trésorier, il
le convoqua dans sa chambre (...), le laissa partir joyeux et rassuré et
lui fit même l'honneur de partager son dîner », raconte l'historien Suétone qui résume : « S
a barbarie était non seulement immense, mais encore astucieuse et imprévue. » Ainsi en est-il de l'Eurogroupe qui va faire payer très cher ses bontés.
De nouvelles mesures exigées...
Le
gouvernement grec s'est en effet engagé à réaliser une nouvelle réforme
des retraites, effaçant ainsi celle qu'il avait lui-même établi l'an
dernier et qu'il avait fait accepter aux créanciers au prix d'immenses
concessions (notamment des baisses de dépenses automatiques en 2018 en
cas de déviation de l'objectif d'excédent primaire de 3,5 % du PIB). Il
devra aussi accepter une réforme du marché du travail et une nouvelle
réforme fiscale, quelques mois à peine après avoir relevé la TVA d'un
point et durci l'impôt sur le revenu. En tout, a indiqué sans badiner,
le commissaire européen aux Affaires européennes Pierre Moscovici, la
Grèce va devoir encore réaliser des « efforts » de 2 % du PIB.
La logique perdante se poursuit
Très
clairement, donc, les créanciers entendent poursuivre la politique
menée depuis 2010 en continuant à l'aggraver. Désormais, le troisième
mémorandum signé en août 2015, ressemble de plus en plus à une boîte de
Pandore d'où surgissent chaque année de nouvelles mesures d'austérité.
Et il ne faut pas compter sur les effets « compensatoires » des mesures
de « croissance » : ces dernières seront forcément limitées par la marge
de manœuvre budgétaire (qui n'est pas certaine d'être chaque année
aussi vaste que celle de l'an dernier) et, surtout, de la bonne volonté
des créanciers. Il ne s'agira que de « propositions » helléniques qui
devront être validées et acceptées par les créanciers. Pas question donc
de refaire l'opération de la fin de l'année dernière avec la prime sur
les retraites qui avait été une décision unilatérale.
Or, selon Le Monde qui cite des sources européennes, «
pas
question pour les Grecs d'avancer leurs propres réformes tant qu'ils
n'auront pas donné toutes les assurances aux créanciers que l'excédent
primaire sera d'au moins 3,5 % en 2018 et 2019 ». Et, depuis 2010,
tout est dans cette question de « confiance » utilisée par l'Eurogroupe
pour obtenir davantage d'Athènes. Autrement dit, Athènes devra attendre
pour relancer l'activité, pas pour faire l'austérité. C'est dire si l'on
peut douter des déclarations de Michel Sapin selon lesquelles la Grèce
est sortie de la logique austéritaire.
Séduire le FMI
C'est
qu'en réalité, dans l'esprit des créanciers, la Grèce ne compte pas.
Ces mesures ne visent pas à restaurer la compétitivité de l'économie
hellénique, pas davantage à rétablir la force de son Etat que l'on dit
défaillant, moins encore à rendre soutenable sa dette. Le seul et unique
but de ces mesures consiste à résoudre l'impossible équation dans
laquelle se sont enfermés les créanciers de la Grèce : parvenir à faire
entrer le FMI dans un programme que ce dernier sait intenable tout en ne
cédant pas sur la nécessité reconnue par le FMI de réduire le stock de
dettes grecques. En exigeant de nouvelles mesures d'économie, les
créanciers tentent de faire entrer au chausse-pied la soutenabilité de
la dette grecque dans les calculs du FMI. La preuve en est que, d'après
le gouvernement grec, l'Allemagne réclame «
10 ans »
d'excédents primaires élevés. Une mesure qui ne servirait qu'un
objectif : accumuler les réserves pour rembourser la dette. C'est donc
une fiction de plus permettant notamment aux Allemands de maintenir
cette exigence qui avait présidé à la naissance de ce troisième plan :
la participation, théoriquement impossible, du FMI.
Un FMI divisé
Le
Fonds de Washington n'a pas encore donné de réponse. Christine Lagarde
rencontrera le 22 février Angela Merkel. Sa position est très délicate.
D'un côté, les Européens pèsent lourd mais exige une nouvelle fois que
le FMI oublie ses règles élémentaires de conduite, comme en 2010. Les
membres émergents du Fonds pourraient hésiter à se lancer dans une
nouvelle et coûteuse erreur. D'autant que le principal contributeur au
Fonds, les Etats-Unis, semblent désormais, peu soucieux de tenir compte
des intérêts allemands. La directrice générale du FMI va donc devoir se
montrer très convaincante pour faire avaler à la direction du FMI cette
nouvelle aventure grecque...
Des Grecs sans marge de manœuvre
Côté
grec, la victoire est donc particulièrement amère, même si le
gouvernement affirme avoir tenu ses « lignes rouges ». Il jure aussi
que, pour tout euro de mesures additionnelles, il y aura un euro de «
mesures compensatoires »
sous forme de baisse d'impôts sur la propriété foncière, sur les
sociétés ou sur la valeur ajoutée. Une ligne de défense peu crédible en
Grèce compte tenu des capitulations répétées du gouvernement Tsipras,
mais aussi des conditions posées par les créanciers. Comment ces
derniers accepteraient-ils des baisses d'impôts alors qu'ils exigent des
hausses pour séduire le FMI ? Bref, tout ceci semble peu sérieux. Comme
la mouche de Domitien, la Grèce semble encore condamnée à une torture
sans fin où son intérêt n'est qu'un élément accessoire pour ceux qui
décident de son sort.