Charles Wyplosz |
I quote from the article:
Après le "non" grec au référendum, l'Europe est dans l'impasse. Toutes les parties s'accordent sur la nécessité d'une reprise rapide des négociations qui montent en tension ce mardi soir avec la convocation d'un nouveau sommet européen précédé d'une réunion de l'Eurogroupe et d'une rencontre Tsipras-Hollande-Merkel. Mais en dépit des efforts de la France, dont l'exécutif se rêve en médiateur de la crise, les positions sont plus crispées que jamais. Côté créanciers, le ressentiment à l'égard de Tsipras culmine. Le Premier ministre est jugé coupable d'avoir rompu le dialogue en appelant les Grecs aux urnes. Des Grecs eux-mêmes responsables de leur propre malheur, pour n'avoir pas su se réformer à temps.
Sans présager de l'issue des prochaines discussions, l'économiste Charles Wyplosz estime au contraire que c'est aux créanciers de faire un geste en faveur de la Grèce. Contacté par L'Express, il considère que c'est la stratégie européenne qui a abouti à la situation actuelle. Pour le Français qui enseigne aujourd'hui en Suisse après avoir été conseiller auprès de la Commission européenne, l'Union aura beaucoup de chance si elle parvient à en sortir indemne. Ce spécialiste des crises monétaires estime que c'est le moment ou jamais de "réduire la dette grecque"
I translate the last paragraph:
... the economist Charles Wyplosz considers that it is for the creditors to make a gesture in favour of Greece. Contacted by L'Express, he considers that it is the European strategy that led to the current situation. For the French economist, who now teaches in Switzerland after having been an advisor to the European Commission, the Union will be very lucky if it manages to escape unscathed. This specialist of currency crises [Wyplosz] believes that it is now or never "to reduce Greece's debt".
And here is the interview with Wyplosz:
Sans aucun doute, l'Europe a été beaucoup trop dure, et surtout pas assez consistante, dans son approche du problème grec. On a ajouté, six ans durant, de la rigueur aveugle à la dépression qui ravageait déjà l'économie hellène. On voit aujourd'hui à quoi cela a abouti: on vient d'enfermer la Grèce dans une situation sans issue et le Grexit qui menace serait une catastrophe pour toutes les parties.
Un rééchelonnement, voire un effacement de la dette, est-elle la seule solution?
Rappelons-nous que cette crise couve depuis 2010. Au moment du premier plan de sauvetage, on avait déjà ce débat sur la dette de la Grèce et sur sa capacité à rembourser. On savait qu'elle ne le pourrait pas et, déjà, la question d'une remise avait été bloquée pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'absence supposée de réformes dans le pays. Cela fait cinq ans qu'on aurait dû se résoudre à alléger le fardeau. Même le FMI reconnaît aujourd'hui que la dette grecque n'est pas soutenable. Il a aussi dit que toute discussion sur un nouveau plan d'aide devrait commencer par une réduction des créances. La seule décision européenne courageuse serait de s'y résoudre à son tour.
L'Europe, et notamment l'Allemagne, qui ont apporté d'importantes garanties n'ont-elles pas des raisons d'être exigeantes aujourd'hui, après deux coûteux plans d'aide, qui sont restés sans effets sur la situation grecque?
En prêtant massivement à la Grèce en 2010, on l'a enfermée dans le piège de la dette non pas pour la sauver elle, mais pour sauver les grandes banques allemandes et françaises qui étaient particulièrement exposées à un défaut de paiement. C'était deux ans après la faillite de Lehman Brothers qui avait traumatisé les Etats-Unis.
Depuis lors, les plans d'aide successifs à la Grèce ne visent qu'à protéger le reste du monde d'un risque bancaire systémique du même ordre. Jusqu'à présent, les seules remises obtenues en 2012 par la Grèce, ont été imposées aux banques grecques et chypriotes par l'Allemagne, la France et les Etats-Unis qui n'ont jamais cherché à protéger qu'eux-mêmes.
Pourtant la charge de la dette grecque est aujourd'hui plus faible qu'en Espagne ou en Italie. Qu'est-ce qui justifierait un tel traitement de faveur?
La relative faiblesse du service de la dette est un argument bidon. D'abord parce qu'elle ne se vérifie qu'à court terme en raison des périodes de grâce assortie au remboursement des aides européennes. Mais surtout parce que l'objectif des plans d'aide devrait être de permettre le retour de la Grèce sur les marchés auxquels elle n'a plus accès depuis 2010.
Au lieu de cela, on en a fait le prétexte pour imposer des réformes de structure qui n'auront servi, en annihilant la croissance, qu'à faire bondir l'endettement de 130 à 180% du PIB. Aujourd'hui, à un tel niveau d'endettement, on se rend bien compte que la Grèce ne peut pas espérer avoir de nouveau accès aux marchés pour emprunter. Les aides européennes la condamnent pour l'instant à la génuflexion éternelle. Si Tsipras a été élu en janvier, c'est justement parce qu'il avait promis de cesser d'être à genoux.
Le Fonds monétaire international n'a-t-il pas beau jeu de préconiser une réduction de la dette due aux Européens, quand lui-même ne procède jamais à aucun effacement?
Bien sûr, la position du FMI est teintée de cynisme puisque sa part de la dette grecque est "senior" (c'est-à-dire qu'elle bénéficie de garanties spécifiques et que son remboursement est prioritaire, ndlr). On peut y voir le signe d'un petit règlement de comptes entre le FMI et les Européens. Au passage, l'institution omet de rappeler, qu'en 2010, au moment du premier plan d'aide, elle a tordu les textes dans tous les sens pour débloquer des fonds, tout en refusant de signer la certification selon laquelle la probabilité d'un remboursement de la dette grecque était élevée.
Que répondez-vous à ceux qui en Europe acceptent l'idée d'un rééchelonnement, mais font des réformes un préalable à ce type de négociations?
Il est faux de dire que la Grèce refuse les réformes, elle est même en train d'en mourir. En cinq ans d'austérité violente, le pays est devenu un cas unique en ramenant de 15 à 4% du PIB son déficit budgétaire. Les Grecs ont entrepris de très grosses réformes, mais ils partaient d'une économie dysfonctionnelle. En cinq ans, les salaires ont baissé de près de 25%, le nombre de fonctionnaires a pratiquement fondu d'un tiers, et ils ont entrepris des réformes sur certaines professions protégées et sur les retraites. Aujourd'hui, la dureté rhétorique de certains de ses partenaires européens doit être interprétée comme une volonté politique de se dédouaner de leurs propres erreurs. Tous les efforts grecs ont réduit à néant la croissance et l'activité économique.
Dans le contexte actuel, réduire la dette grecque ne reviendrait-il pas à encourager d'autres mouvements similaires, en Italie au Portugal ou en Espagne?
Faudrait-il maintenir le frère grec en enfer au prétexte que l'Italie ou le Portugal ont, eux aussi, une dette élevée? Si l'Europe a peur de voir émerger d'autres Syriza en Europe, alors il est grand temps qu'elle s'attelle à la question de la dette excessive à l'échelle du continent. Je suis convaincu que cela pourrait se faire de manière indolore. Par exemple, en convainquant les banques centrales de renoncer aux bénéfices engrangés à chaque fois que la Banque centrale européenne émet des liquidités, pour les allouer à la réduction des dettes. Mais on en est pas là et vu le contexte, on aura beaucoup de chance si l'Europe parvient à sortir indemne de cette crise, c'est-à-dire à dire avec la Grèce en son sein.
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